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C’est vraiment ça votre vie rêvée ? (Chapitre 1 – deuxième partie)

La Fin – deuxième partie

(si vous avez raté le début, c’est par là)

 

La sonnerie du portable me sortit de ma stupeur. Marie voulait savoir à quelle heure je comptais rentrer à la maison. Je lui répondis qu’à l’instant était une très bonne idée.

C’est au croisement de la rue de Mézières qu’elle est apparue, toujours avec le même sourire en coin, toujours avec les mêmes pointes mauves au bout des cheveux. Je voulus faire semblant de ne pas la voir. Un comportement un peu minable mais bien pratique quand je tombe sur un étudiant au mauvais moment. Quoique, la plupart du temps, ce sont eux qui s’adonnent à ce piètre subterfuge. Je ne sais pas qui j’essayais de tromper. Probablement moi-même. En tout cas, pas elle.

 

– Monsieur Bond…
– Je… Je crains que vous ne me preniez pour un autre. Pourtant je n’ai pas une tête d’Anglais.

Peut-être une de mes pires répliques.

– Vous n’êtes pas facile à joindre ces derniers temps, Monsieur Bond.
– Et il y a une raison pour cela, ma chère. Pourquoi toute cette mise en scène ? Et puis c’est Bond, juste Bond. Pas besoin d’un « monsieur » devant.
Le Taulier craignait que, sans de bons arguments, vous ne m’échappiez. Après tout le mal que nous nous sommes donnés pour vous retrouver, vous comprendrez que cela n’était pas souhaitable.
– Je vous comprends. Mais malheureusement pour vous, c’est exactement ce qu’il va se passer.
– Allons. Nous savons tous deux que c’est trop tard. Je vous ai retrouvé. J’ai pris contact. Nous sommes en train d’avoir cette conversation, là, tout de suite. Que vous le souhaitiez ou non, cette chimère va devoir cesser. Le plus tôt sera le mieux.
– Vous êtes fière de vous ?
– Pourquoi donc ? C’est vraiment ça votre vie rêvée ? Ce cliché de bourgeois nostalgique du St-Germain-des-Prés du 20e siècle ? J’avoue, je suis un peu déçue après tout ce que j’ai entendu dire sur vous.
– Ma réputation est bien plus intéressante que la réalité.
– J’en doute… Mais au fond, je vous comprends. On rêve toujours de ce qu’on ne peut avoir, n’est-ce pas ? Une vie confortable, prévisible et ennuyeuse ?
– Vous êtes venue pour me psychanalyser ?
– Non, désolée. Surtout que, c’est pas que je veuille vous presser, Monsieur Bond, mais c’est assez urgent.
– Laissez-moi au moins dire au revoir à ma femme et mes enfants. J’habite à deux pas.
– À quoi bon ? Vous savez tout aussi bien que moi que cela ne servira à rien.
– Je… Cela ne servira pas à rien. J’en ai besoin.

Elle n’essaya pas de discuter.

Quand je redescendis de chez moi, séchant un larme qui avait finalement réussi à sortir après que la porte de l’appartement soit refermée, elle m’attendait dans la rue. Elle essayait d’avoir un regard compatissant, mais elle ne savait pas trop comment s’y prendre.

 

– Combien de temps se sera-t-il passé?
– Quelques mois à peine. Et ça fait déjà deux bonnes semaines que l’on vous cherche.
– Je vois. Ça va faire un grand saut, ça.
– Et pour vous ? Ça fait combien de temps ?
– Près de dix-huit ans.
– Je vois. Oui, ça va faire un grand saut. Vous êtes prêt ?
– L’est-on jamais vraiment ?

 

Elle prit mes mains dans les siennes, ferma les yeux et inspira à pleins poumons.

La rue, les bâtiments, et le reste commencèrent à trembler. Je levai la tête vers la fenêtre du salon, mais déjà les contours du bâtiments devenaient flous. La rue bascula. Les immeubles et tout le reste s’estompèrent, emportant avec eux Guillaume Trabarel, sa carrière, sa famille parfaite et sa vie bien rangée.

 

 

(à suivre)

 

Source photo: Rue Madame

 

Author(s)

Français exilé à l'autre bout du monde, DavidB écrit. Il n'écrit pas toujours très bien, mais qu'importe, le but est d'écrire. Il fait aussi d'autres trucs parfois.

MetaStructure est un de ses plus vieux projets. Débuté au début des années 2000, il fut maintes fois interrompu, repris à zéro, recommencé. Mais il ne veut pas disparaître, alors mettons-le sur le web au lieu de le laisser dans des cahiers de notes et des fichiers .doc sur des disques durs.

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