La Fin – quatrième partie
South Beach, Miami.
Pas un de mes coins préférés : trop de frime, trop de thune, trop de pétasses… Et c’était encore moins son genre d’endroit à lui. D’ailleurs, puisqu’il avait décidé de se déplacer jusqu’en Floride, pourquoi ne pas avoir poussé jusqu’à Gainesville tout simplement ?
J’imaginais que c’était pour être sûr que je sois opérationnel avant même que ne débute notre rencontre. À Gainesville, il courrait le risque de me retrouver encore en pyjamas ou planqué au milieu des alligators.
Installé à la terrasse du Nikki Beach, je regardais les vagues se brisant sur la plage. Acte plus difficile à accomplir qu’on ne le penserait : mon champ de vision étant constamment obstrué par un nombre assez incroyable de filles incroyables.
Qu’il ne veuille pas me retrouver à Gainesville me semblait logique. Mais pourquoi ici ? Déjà, South Beach c’était un peu bizarre comme choix, mais bon, pourquoi pas ? Mais ce bar ? Ce n’était pas du tout son style. S’il appréciait sans aucun doute le décor tout en bikinis du lieu, il n’était que peu friand de l’ambiance qui allait malheureusement de pair.
La serveuse s’approcha de moi pour me demander ce que je désirais. J’étais tenté de lui répondre son numéro de téléphone, mais je me suis contenté de lui demander un Watermelon Daïquiri. Elle me fit un sourire qui en pousserait plus d’un à la faute et qui en plus semblait sincère.
Je me remis à regarder – plus ou moins – la plage. Il n’allait pas tarder.
La serveuse apporta bientôt le cocktail. Un numéro de téléphone était griffonné sur le napperon de papier glissé sous le verre.
Les gens disent souvent que j’ai une chance insolente. Ils n’ont peut-être pas tort, mais ils ne comprennent pas vraiment en quoi elle est insolente. Tenez, là, juste là. Une telle rencontre qui se déroule de la sorte ! Alors que dans moins d’une heure je vais devoir partir vers une destination inconnue mais lointaine et d’où je ne reviendrai peut-être jamais ? Une chance insolente, oui. Insolente avec moi !
D’ailleurs de quoi en retournait-il exactement ? Pourquoi s’était-il donné tout ce mal pour me retrouver et venir me chercher en personne ? Pourquoi un rendez-vous ici et maintenant ?
La silhouette (presque trop) familière qui apparut à l’entrée de la terrasse allait certainement apporter quelques réponses.
Le visage un peu asymétrique. Les lunettes noires collées sur le nez. Le nœud de cravate couleur vert-pomme négligemment défait (en fait un geste savamment calculé, mais ne le lui faites pas remarquer, ça l’attristerait) sur un costume blanc taillé sur mesure mais qui jurait un peu avec les accoutrements des locaux – bermudas et tank tops. Il marchait très sûr de lui. Il se dirigea vers le comptoir où la barmaid était déjà en train de lui préparer un side-car. Il lui glissa quelques mots à l’oreille et vint ensuite s’installer à ma table, son verre à la main. Il me rendit mon sourire, prit une grande inspiration et m’annonça d’une voix aussi claire que s’il était sobre :
– Eh bien, ça fait un bail !
– Je réponds toujours présent quand il le faut.
– Mmm… J’ai cru comprendre que tu n’en avais pas trop l’intention cette fois-ci.
– …
– Je te taquine. Content de te voir, Bond.
– Moi aussi, je suis content de te voir, Taulier.
– Mais fais attention, si tu continues à boire de telles choses, je serai obligé de t’interdire l’entrée de mon établissement. C’est bien parce qu’on est en terrain neutre que je laisse passer.
– J’essayais juste de me fondre dans la faune locale. Tu es venu pour parler mixologie ? Non que ça me dérange mais…
– Je dois t’entretenir de certaines choses assez urgentes. Écoute-moi bien…
Il ne souriait plus.
(à suivre)
Source Photo: Nikki Beach Miami
Author(s)
Français exilé à l'autre bout du monde, DavidB écrit. Il n'écrit pas toujours très bien, mais qu'importe, le but est d'écrire. Il fait aussi d'autres trucs parfois.
MetaStructure est un de ses plus vieux projets. Débuté au début des années 2000, il fut maintes fois interrompu, repris à zéro, recommencé. Mais il ne veut pas disparaître, alors mettons-le sur le web au lieu de le laisser dans des cahiers de notes et des fichiers .doc sur des disques durs.
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