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Quand elle ouvrit les yeux, elle fut immédiatement éblouie par le soleil. Faut pas s’attendre à autre chose quand on s’endort en laissant les volets ouverts. Le réveil affichait 10:23. Combien de temps allait-elle tenir ainsi, avec moins de cinq heures de sommeil par nuit ? ou plutôt par matin ?
Elle soupira avec un peu trop d’emphase, repoussa les draps et posa les pieds au sol. Une fois debout, elle s’étira de nouveau et remarqua qu’elle portait une nuisette de satin couleur bordeaux. Elle n’avait aucun souvenir de l’avoir mise, mais au moins, pour une fois, cela voulait dire qu’elle ne s’était pas endormie habillée.
La minute suivante fut passée à fixer le dos d’un livre qu’elle n’avait pas encore pris le temps de lire et qui commençait à prendre la poussière sur une étagère. Puis reprenant ses esprits, elle se dirigea vers la salle de bains. Le miroir lui révéla exactement ce qu’elle redoutait. Les coulées de khôl autour des yeux et sur les joues dessinaient des formes certes intéressantes mais qui lui rappelaient une vieille pute fatiguée, celle qu’elle croisait parfois dans le temps en rentrant le soir.
— Ma fille, se dit-elle en attrapant le démaquillant, il est vraiment temps que tu arrêtes les conneries. Et accessoirement, tu pourrais aussi te trouver un mec.
Un nettoyage de visage, une douche, une aspirine, des vêtements et un soupir plus tard, elle retourna dans le salon. Elle leva la jambe et la posa sur un tabouret un peu bancal. Elle attrapa le mini-holster sur la table de chevet et le boucla autour de la cuisse au travers de sa jupe fendue. Elle était en train d’en resserrer les fermetures en métal de ses bottes quand le téléphone sonna.
Elle décrocha et s’adossa au mur vert-de-gris qu’elle n’avait jamais pris le temps de repeindre.
— Salut belle brune, l’accueillit une voix chaude et sensuelle.
— Salut ma douce. Que me vaut cet appel matinal ?
— Les cinq appels auxquels tu n’as pas répondu hier soir.
— Oh, je suis vraiment désolée. J’étais de sortie. J’avais éteint mon portable.
— Travail ou plaisir ?
— Les deux. Une soirée très agréable. J’aurais bien aimé finir la nuit avec lui, mais il était mon contrat.
— Je vois. Sinon tu sais pourquoi je t’appelle ?
— Pas du tout.
— C’est ce que je craignais. Vaut mieux en parler en personne. Ça tombe bien, je suis en bas. Tu m’ouvres ? Je veux bien un thé aussi.
L’eau se mit à bouillir.
— Tu sais bien que je ne veux plus travailler pour le Taulier. C’est pour ça qu’il n’a plus accès à ma ligne cryptée.
— Oui, il sait. Il m’a aussi demandé de te rappeler Naples.
— Naples…
— Oui, Naples. Il s’est passé quoi à Naples ?
— Beaucoup de choses. Y compris une dette envers lui.
— Ah. Ceci explique donc cela.
— Faut croire, oui. Bon, qu’est-ce qu’il a dit ?
— Pas grand-chose en fait, sinon qu’on est attendues à HQ dans deux jours.
— Dans deux jours ? Je vois… Et comment ça “on est attendues” ? Toi aussi.
— Oui, toi, moi et les autres.
— Ouhla, ça semble sérieux cette histoire. Tu sais de quoi il en retourne ?
— Non, sinon que ça semble être très sérieux effectivement.
— Bon, écoute, c’est pas que je veuille te mettre déjà dehors alors que tu viens d’arriver, mais…
— Pas de problème, c’est pour ça que j’attendais en bas que tu te réveilles. Désolée de ne pas finir le thé. Le peu que j’en ai bu était très bon.
— Ne t’inquiète pas. Je t’embrasse. Fais bien attention à toi. On se voit dans deux jours.
— Oui, toi aussi, prends garde à toi. J’ai un drôle de pressentiment.
Shane referma la porte derrière sa vieille amie et se demanda quelle valise choisir. S’agissait-il juste de se rendre sur HQ ou bien sur le terrain aussi ? La deuxième hypothèse était probablement la bonne. Oui mais, devait-elle emmener son propre matériel ou l’équipement pour la mission lui serait-il fourni sur place ? Impossible d’arriver à réfléchir : la dernière phrase de son amie ne cessait de résonner dans sa tête. Quand Margaret avait un drôle de pressentiment, ça ne présageait jamais rien de bon. Jamais.
Et elle qui avait cru au réveil que la journée ne pouvait aller qu’en s’améliorant.
Un instant, elle pensa ne pas y aller. Simplement ignorer la requête du Taulier ? Elle s’était jurée de ne jamais revoir la plupart des gens qu’il allait falloir très bientôt côtoyer de nouveau et de trop près. Disparaître un temps ? Ce soupir-là semblait aussi trop emphatique mais pourtant il sortait du fond du cœur. Il était des destins auxquels on ne pouvait échapper.
Elle parvint finalement à boucler sa valise, enfila ses lunettes noires et descendit dans la rue remplie d’ordures. Ignorant les suppliques des mendiants, elle descendit à grands pas l’avenue en direction de la gare. Elle eut un doute. Avait-elle bien fermé à clé ? Trop tard pour aller vérifier.
Qui Vivra Mourra.
(à suivre)
Author(s)
Français exilé à l'autre bout du monde, DavidB écrit. Il n'écrit pas toujours très bien, mais qu'importe, le but est d'écrire. Il fait aussi d'autres trucs parfois.
MetaStructure est un de ses plus vieux projets. Débuté au début des années 2000, il fut maintes fois interrompu, repris à zéro, recommencé. Mais il ne veut pas disparaître, alors mettons-le sur le web au lieu de le laisser dans des cahiers de notes et des fichiers .doc sur des disques durs.
Sand Rougelune
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